Répérer, comprendre et accompagner la douleur chez la personne avec un TND
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Repérer, comprendre et accompagner la douleur des personnes avec un trouble du neurodéveloppement
La douleur est une expérience universelle, mais elle n’est pas perçue, comprise ou exprimée de la même manière par toutes et tous. Chez les personnes ayant un trouble du neurodéveloppement (TND) — autisme, TDAH, troubles Dys, trouble du développement intellectuel (TDI), syndrome de Gilles de la Tourette — certaines particularités sensorielles, interoceptives ou communicationnelles peuvent rendre la douleur plus difficile à identifier ou à exprimer.
Lorsqu’une douleur n’est pas repérée, elle peut être confondue avec une agitation, un retrait, un changement d’humeur ou un « trouble du comportement ».
Cette fiche propose des repères pour mieux comprendre la douleur chez les personnes avec TND et adapter l’évaluation, la communication et les soins.
1. Comprendre la douleur chez les personnes autistes
Les personnes avec TND ressentent la douleur, mais peuvent la percevoir ou l’exprimer différemment. Certaines réagissent fortement à des sensations minimes (hyperréactivité), tandis que d’autres semblent peu réagir même en cas de blessure (hyporéactivité). Ces particularités ne signifient pas une absence de douleur, mais une manière différente de la percevoir et de l’exprimer.
Ces variations sont observées dans plusieurs troubles du neurodéveloppement :
- Une personne autiste peut ne pas verbaliser sa douleur ou utiliser des comportements pour l’exprimer.
- Une personne avec TDAH peut avoir du mal à distinguer une douleur d’un inconfort ou d’une agitation interne.
- Une personne avec un trouble dys peut manquer de vocabulaire corporel pour décrire ce qu’elle ressent. Les personnes dyspraxiques ou avec trouble du développement de la coordination (TDC) peuvent avoir des difficultés à localiser précisément la douleur.
- Celles avec le syndrome de Gilles de la Tourette peuvent confondre certaines sensations corporelles avec les prémices d’un tic.
- Les personnes avec TDI peuvent s’exprimer principalement par des signes non verbaux.
Il ne s’agit pas d’une absence de douleur, mais d’une expression différente.
2. Physiologie et modulation de la douleur
La douleur est le résultat d’un processus complexe impliquant le corps, le système nerveux et le cerveau. Elle est modulée par l’attention, les émotions, les expériences sensorielles ou encore l’état de stress.
Chez les personnes avec TND, ces systèmes peuvent fonctionner différemment. Une surcharge sensorielle, une forte anxiété, une difficulté à identifier les sensations internes (interoception) ou une attention fluctuante peuvent amplifier ou atténuer l’expression douloureuse.
L’anxiété, fréquente dans plusieurs TND, peut augmenter la perception de la douleur ou rendre difficile la distinction entre douleur, tension et stress.
3. Particularités sensorielles et corporelles
Deux profils sensoriels opposés peuvent apparaître chez les personnes autistes :
- une hyporéactivité, où la personne se plaint peu, tarde à signaler une blessure ou poursuit ses activités malgré une douleur importante ;
- une hyperréactivité, où des sensations légères comme un frottement, une piqûre, un bruit ou une lumière vive sont vécues comme douloureuses ou intenses.
Ces réactions correspondent à la manière dont le système nerveux traite les informations sensorielles, et non à une absence ou un excès réel de douleur. Elles peuvent varier au fil du temps ou être exacerbées par la fatigue, le stress ou la surcharge sensorielle.
4. Repérer la douleur : un enjeu essentiel
La douleur peut s’exprimer autrement que par des mots. De nombreuses personnes autistes peinent à décrire précisément ce qu’elles ressentent, ou n’utilisent pas le vocabulaire habituel de la douleur. Le repérage repose alors sur l’observation attentive des comportements qui diffèrent des habitudes de la personne.
Des signaux comme une modification du sommeil ou de l’appétit, une irritabilité soudaine, un retrait inhabituel, un refus de contact ou d’alimentation, ou encore certains comportements auto-agressifs peuvent indiquer une douleur passée inaperçue.
Les proches jouent un rôle essentiel, car ils reconnaissent souvent les signaux les plus subtils. Pour accompagner ce repérage, plusieurs outils existent, dont la grille GED-DI TSA du CRA Rhône-Alpes, les échelles Doloplus ou ECPA utilisées en établissement, ainsi que des supports visuels adaptés.
Une règle simple peut guider le raisonnement : face à un changement brusque de comportement, il est toujours utile de se demander « Et si c’était une douleur ? »
5. Communiquer autour de la douleur
La communication doit s’adapter au mode d’expression de chaque personne. Les formulations simples et concrètes — « Est-ce que ça pique ? », « Est-ce que c’est ici ? » — sont plus efficaces qu’un vocabulaire abstrait.
Les supports visuels, tels que les pictogrammes, dessins, photos ou silhouettes, sont souvent déterminants. Ils permettent à la personne de comprendre ce qu’on lui demande ou d’exprimer ce qu’elle ressent.
Certaines personnes auront plus de facilité à utiliser un dispositif de communication, à montrer la zone concernée ou à dessiner. L’important est de laisser du temps, de proposer plusieurs modes d’expression et de valoriser chacun d’eux.
La ressource SantéBD – « La douleur, pour dire et soulager ma douleur » constitue un outil accessible, facilitant la compréhension et l’expression de la douleur pour les enfants comme pour les adultes.
6. Adapter les soins
L’accès aux soins peut être source d’inconfort ou d’angoisse pour certaines personnes avec un trouble du neurodéveloppement, en particulier dans l’autisme, en raison de la nouveauté, d’un environnement sensoriellement chargé ou d’une difficulté à anticiper les étapes. La préparation est alors primordiale.
Avant la consultation, expliquer le déroulement, utiliser des supports visuels, montrer les instruments ou anticiper les gestes permet de réduire l’incertitude. Pendant le soin, limiter les stimulations sensorielles, annoncer chaque étape, proposer des pauses et respecter le rythme de la personne favorise un meilleur vécu.
Après le soin, il est important d’observer les éventuels changements de comportement, car la douleur peut s’exprimer différemment ou survenir avec un décalage. Une fiche de repères peut aider à suivre les réactions habituelles et les stratégies apaisantes efficaces.
7. Rôle des proches et des professionnels
La qualité de la prise en charge repose sur une collaboration étroite entre la personne, ses proches et les professionnels. Les proches identifient souvent les premiers signes de douleur, tandis que les professionnels adaptent leurs pratiques pour réduire les sources de stress et assurer un environnement sécurisant.
La formation aux particularités sensorielles et communicationnelles de l’autisme contribue à améliorer l’accès aux soins et à éviter les erreurs d’interprétation. L’élaboration d’un plan de soins individualisé permet de clarifier les adaptations nécessaires, les signes de douleur typiques et les stratégies qui rassurent la personne.
Stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement : un cadre renforcé pour l’accès aux soins
La Stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement 2023-2027 place l’accès aux soins, le repérage précoce, la coordination des parcours et la montée en compétences des professionnels au cœur de ses priorités. Elle vise notamment à :
- améliorer le repérage des besoins spécifiques en santé
- renforcer la coordination entre les secteurs sanitaire, médico-social et éducatif
- faciliter l’accès aux consultations et aux soins spécialisés
- soutenir les familles dans l’orientation et les démarches de santé
Ces actions offrent un cadre favorable à une meilleure prise en compte des situations où la douleur peut être difficile à identifier ou à exprimer, en sécurisant le parcours de soins des personnes avec autisme et, plus largement, des personnes concernées par un trouble du neurodéveloppement.
À retenir
La douleur est bien présente chez les personnes autistes, mais elle peut être perçue, comprise et exprimée différemment. Ces particularités sensorielles, interoceptives et communicationnelles peuvent rendre la douleur difficile à repérer, entraînant parfois des confusions avec des « troubles du comportement ». Une vigilance accrue, associée à une bonne connaissance des réactions habituelles de la personne, est donc essentielle.
L’évaluation de la douleur repose souvent sur l’observation, l’adaptation de la communication et l’utilisation d’outils visuels ou de grilles d’aide à l’évaluation. La préparation des soins, l’aménagement de l’environnement et des explications claires contribuent à réduire le stress et à améliorer la qualité de la prise en charge.
La coopération entre la personne, ses proches et les professionnels constitue la clé d’un accompagnement efficace. Les mesures portées par la Stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement soutiennent ces adaptations en facilitant l’accès aux soins et en renforçant la coordination autour des parcours de santé.
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