Comment puis-je diagnostiquer un patient potentiellement autiste ?
La démarche de diagnostic est initiée lorsqu’un repérage a été effectué par des professionnels de « première ligne » (médecins de ville, de protection maternelle et infantile (PMI), professionnels de la petite enfance, école…) à partir d’une alerte, le plus souvent donnée par l’entourage (enfants et personnes dépendantes) ou la personne elle-même (adultes autonomes).
Le diagnostic de troubles du spectre de l’autisme relève d’un médecin, qui doit s’appuyer autant que nécessaire sur une démarche pluridisciplinaire.
Celle-ci inclut la réalisation d’observations et de bilans menés par plusieurs professionnels de l’enfance de « deuxième ligne » expérimentés comme les orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, psychologues, éducateurs… exerçant en secteur libéral ou en équipe en Centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP), Centre médico-psychologique (CMP), Centre médico-psycho-pédagogique (CMPP).
Les professionnels de première ligne
Quand les parents d’un enfant, ou quand un adulte, commencent à se poser des questions, ils vont s’adresser à des professionnels de première ligne. Ceux-ci vont dépister les troubles du neurodéveloppement et orienter la famille vers les dispositifs à même d’organiser la démarche diagnostique.
Il s’agit des médecins généralistes, des pédiatres, des médecins et professionnels de crèche et d’accueil de la petite enfance, des enseignants, des médecins de santé scolaire, des professionnels de santé, des médecins du travail, etc. Ils peuvent s’appuyer sur des outils de dépistage (questionnaires, livrets de repérage…). Dépister avec attention peut demander du temps.
Pour les médecins généralistes, il est possible d’organiser une consultation de repérage des troubles de l’enfant. Il s’agit d’une consultation longue, réalisable une fois. Une fiche technique est disponible en ligne.
Cette consultation peut aussi être réalisée par un pédiatre. Une fiche technique est disponible en ligne.
La HAS propose une synthèse des recommandations des bonnes pratiques destinée aux médecins, des signes d’alerte à la consultation dédiée en première ligne.
Il est également possible de s’appuyer sur ce guide pour détecter les signes d’un développement inhabituel chez les enfants de moins de 7 ans.
Les professionnels de deuxième ligne
Ce sont des professionnels médicaux et non médicaux, exerçant en cabinet libéral, en maison de santé pluridisciplinaire, ou au sein d’équipes spécialisées pluridisciplinaires (CAMSP, CMPP, CMP). Il s’agit de :
- médecins (spécialistes, psychiatres, pédopsychiatres, pédiatres, neuropédiatres…),
- orthophonistes (spécialistes du langage et de la communication),
- psychomotriciens (qui s’intéressent au contrôle des mouvements intentionnels),
- ergothérapeutes (qui travaillent sur les adaptations visant à compenser des défaillances motrices),
- psychologues (qui explorent le fonctionnement intellectuel et émotionnel des personnes),
- éducateurs (qui se préoccupent de l’adaptation de la personne dans son environnement).
Les structures de deuxième ligne
Les structures professionnelles en 2ème ligne, comme les CAMSP, les CMPP, les CMP, vont réaliser les bilans avec les différents professionnels de suite (orthodontistes, psychologues, psychomotriciens…).
D’autres professionnels de santé (infirmiers, kinésithérapeutes…) peuvent être amenés à participer à la démarche de diagnostic en tant que professionnels de deuxième ligne.
Les plateformes de coordination et d’orientation (PCO)
Depuis 2020, des plateformes de coordination et d’orientation (PCO), ont été créées. Ce sont des dispositifs qui fédèrent l’ensemble des ressources de deuxième ligne d’un territoire donné (département en général) pour les enfants de moins de 12 ans. Elles vont organiser le parcours diagnostic des enfants et la prise en charge financière en cas de recours à des professionnels non conventionnés par l’Assurance maladie. Retrouvez ici la carte des PCO.
Les professionnels de troisième ligne
Lorsque la situation de l’enfant est complexe et/ou que le diagnostic est difficile à établir, les familles et les personnes concernées, avec l’appui de professionnels de deuxième ligne, peuvent solliciter une « troisième ligne », qui est constituée par les équipes de Centres de ressources autisme (CRA) ou leurs antennes dans chaque département.
Retrouvez ici la carte des CRA et de leurs antennes.
Les signes d’alerte d’un trouble du spectre de l’autisme varient en fonction de l’âge. Quand des parents font part à un professionnel de leurs inquiétudes, de leurs interrogations sur les enfants, il est essentiel que ces inquiétudes ne soient pas banalisées, elles méritent la plus grande attention de la part du professionnel. Au moindre doute sur le développement d’un enfant, une démarche de repérage puis de diagnostic doit être envoyée. Cette recherche de signe d’alerte doit s’appuyer sur des outils aujourd’hui existants.
Voici les signes d’alerte majeurs quel que soit l’âge :
- Inquiétude des parents concernant le développement de leur enfant, notamment en termes de communication sociale et de langage,
- Régression des habiletés langagières ou relationnelles, en l’absence d’anomalie à l’examen neurologique.
Les signes d’alerte chez le jeune enfant :
- Absence de babillage, de pointage à distance ou d’autres gestes sociaux pour communiquer à 12 mois et au-delà (faire coucou, au revoir, etc.),
- Absence de mots à 18 mois et au-delà,
- Absence d’association de mots (non écholaliques) à 24 mois et au-delà.
Pour en savoir plus :
- Détecter les signes d’un développement inhabituel chez les enfants de moins de 7 ans.
- Livret de repérage des troubles du neurodéveloppement chez l’enfant de 7 à 12 ans.
Chez un enfant plus grand, puis chez l’adolescent et l’adulte, les signes d’alerte sont :
- Manque d’intérêt pour les interactions sociales avec les pairs avec tendance à l’isolement,
- Défaut d’adaptation en situation sociale ou dans la conversation,
- Particularités du langage (écholalie, répétitions de formules verbales ou de questions, volume et intonation de la voix inhabituels…),
- Gestuelle de communication pauvre ou peu conventionnelle,
- Intérêts très focalisés sur des thèmes ou des jeux précis,
- Fort attachement à des routines, des rituels, avec intolérance aux changements.
Le diagnostic est important, même à un âge avancé, car il permet de mieux cerner le fonctionnement de la personne, et d’adapter l’environnement à ses particularités, afin d’améliorer sa qualité de vie.
Si plusieurs de ces signes d’alerte coexistent, une démarche d’évaluation diagnostique est justifiée.
Elle peut être organisée par une Plateforme de coordination et d’orientation (PCO) pour les enfants de moins de 12 ans, qui mobilisera en fonction des besoins et des choix parentaux les ressources appropriées disponibles sur le territoire, dans le secteur libéral (psychologues, psychomotriciens…) et/ou des structures telles que les (CAMSP, CMP, CMPP).
Le diagnostic de TSA s’appuie sur un diagnostic clinique : ce diagnostic initial est possible chez l’enfant dès l’âge de 18 mois.
La démarche repose sur des professionnels expérimentés qui vont recueillir des informations précises de la part de l’entourage de la personne, et effectuer des observations ciblées sur ses modes de communication sociale et sur ses modalités d’exploration et d’adaptation à son environnement.
Ces professionnels pourront utiliser si besoin des outils spécialement conçus pour le diagnostic de l’autisme (voir ci-dessous sur cette page).
Le diagnostic nosographique
Les observations comportementales croisées des professionnels vont permettre une synthèse de l’ensemble des éléments par un médecin qui précisera un diagnostic « nosographique », en référence à des classifications reconnues internationalement :
- classification américaine des troubles mentaux, DSM-5,
- et classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé, CIM-11).
Ce diagnostic ne repose que sur les observations du comportement de la personne dans différents contextes de vie et des bilans spécialisés.
Le diagnostic fonctionnel
Parallèlement au diagnostic « nosographique », qui nomme des troubles (ici, les troubles du spectre de l’autisme), les professionnels vont aussi préciser le profil de la personne en réalisant ce qu’on appelle un diagnostic fonctionnel. Ce diagnostic fonctionnel dresse un tableau des forces et des faiblesses de la personne, dans différents domaines comme :
- le langage,
- les performances motrices et intellectuelles,
- l’autonomie,
- l’adaptation sociale,
- la sensorialité,
- etc.
Il repose sur l’utilisation de tests qui permettent de préciser des niveaux de développement, en comparaison avec les performances attendues chez une personne du même âge (on parle de tests « standardisés » ou « normés »). Ils seront réalisés notamment par les orthophonistes, psychologues, psychomotriciens, ergothérapeutes.
Ce sont le diagnostic nosographique et le diagnostic fonctionnel qui vont déterminer la conduite à tenir en termes d’accompagnement.
On pourra aussi engager une démarche de diagnostic « étiologique » à la recherche de cause(s) précise(s) du trouble et/ou de comorbidités somatiques par des examens complémentaires (bilan biologique, génétique, neuroimagerie, électroencéphalogramme…). Ces examens ne sont pas systématiques et sont prescrits au cas par cas, autant que possible sur avis neuropédiatrique.
La recherche de troubles associés
Les troubles associés en cas de TSA sont très fréquents. Leur prise en compte sur le plan diagnostique et thérapeutique peut considérablement améliorer la qualité de vie des enfants concernés et de leurs proches.
Parmi ces troubles associés, on peut souligner l’existence de :
- troubles ou pathologies pouvant avoir un impact sur le fonctionnement de l’enfant avec TSA : autres troubles du neurodéveloppement (trouble du développement intellectuel, trouble du langage, déficit attentionnel, trouble développemental de la coordination [TDC], troubles sensoriels (surdité, basse vision),
- perturbation des grandes fonctions physiologiques (comportement alimentaire et sommeil),
- troubles psychopathologiques (anxiété, dépression, etc.),
- pathologies neurologiques (épilepsie, problème neuromoteur – fatigabilité ou paralysie, ataxie, mouvements anormaux).
La recherche attentive de ces troubles associés fait partie du « diagnostic fonctionnel » : c’est-à-dire analyser « comment » l’enfant fonctionne.
La recherche des troubles associés doit être systématique, avec une vigilance en cas de survenue de comportements-problèmes, et s’appuyer sur un entretien familial et des examens. La HAS détaille les examens à envisager dans les Recommandations de bonnes pratiques professionnelles.
Beaucoup de symptômes relevant des troubles du spectre de l’autisme peuvent être observés dans d’autres troubles mentaux. C’est pourquoi la plupart des centres de diagnostic demandent un avis psychiatrique avant de réaliser une évaluation.
Il s’agit d’explorer d’autres hypothèses diagnostiques plus fréquentes et probables que l’autisme avant de recourir à un bilan spécialisé. C’est ce qu’on appelle procéder à un diagnostic “différentiel”.
La démarche comporte deux versants :
- un diagnostic médical selon les critères des classifications internationales (CIM-11, DSM-5-TR) ;
- des évaluations du fonctionnement (défini par la Classification internationale du fonctionnement) permettant d’apprécier les ressources d’une personne pour l’élaboration du projet personnalisé.
Les signes d’appel impliquent, pour les médecins, de rechercher leur survenue précoce et de les replacer dans l’histoire des personnes, avec la difficulté de l’insuffisance des observations antérieures dans la plupart des dossiers médicaux ou éducatifs.
L’éventualité de TSA impose d’explorer les éléments de la dyade autistique qui comporte : des déficits de la communication et des interactions sociales ; un caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des activités.
La démarche diagnostique est clinique et interdisciplinaire. Elle se situe dans trois registres :
- la dyade autistique,
- le retard mental associé,
- les pathologies et troubles associés.
Il est souhaitable que la démarche diagnostique soit formalisée (avec un protocole) et coordonnée avec tous les acteurs qui participent au diagnostic (éducateurs spécialisés, ergothérapeutes, généticiens cliniques, infirmiers, médecins généralistes, neurologues, orthophonistes, psychiatres, psychologues, psychomotriciens, radiologues).
La HAS a recensé les tests élaborés pour l’évaluation du fonctionnement cognitif et socio-adaptatif.
Certains outils ont été spécialement conçus pour rendre la démarche du diagnostic nosographique plus opérationnelle. On peut citer l’ADOS, l’ADI-R, la CARS, l’ECA…
L’utilisation de ces outils est recommandée, mais pas toujours indispensable lorsque le tableau comportemental est très clair. Elle impose une formation spécifique et ne saurait être improvisée.
Ces outils sont destinés à être utilisés par les professionnels de 1re ligne afin de contribuer à l’évaluation du risque de TSA dans le cadre du repérage du risque de TSA. Cette liste est non exhaustive ; les outils proposés sont ceux qui sont les mieux validés et accessibles en français.
L’ADI-R (Autism Diagnostic Interview-Revised, Editions Hogrefe)
C’est une grille d’entretien semi-directif qui explore avec l’entourage direct de la personne (les parents le plus souvent), le parcours de développement depuis la naissance jusqu’au jour de l’évaluation diagnostique. L’entretien est très précis, donc long (1h30 environ). Il s’agit bien d’un entretien direct et non d’un questionnaire. Il peut être mené par un médecin, psychologue, ou un autre professionnel de soins dûment formé qui pourra préciser différents scores en faveur/défaveur d’un diagnostic de TSA.
L’ADOS (Autism Diagnostic Observation Schedule, Editions Hogrefe)
C’est un protocole d’observation comportementale directe qui utilise un matériel spécifique dans un cadre d’interaction particulier (examinateur non familier de la personne évaluée, sollicitations hiérarchisées, mobilisation des capacités de partage et de réciprocité dans l’échange). Le respect du protocole est essentiel pour permettre une interprétation valide qui s’appuie sur un score étalonné, en faveur/défaveur d’un diagnostic de TSA. L’ADOS peut aider à préciser un niveau d’intensité des troubles autistiques.
L’ECA (Échelle de comportements autistiques) et la CARS (Children autism rating scale)
Ce sont des grilles comportementales remplies à partir des descriptions des comportements faites par l’entourage et les professionnels, sans protocole d’observation imposé. Elles peuvent être interprétées comme en faveur/défaveur d’un diagnostic de TSA, et contribuer à évaluer l’intensité des troubles.
Le diagnostic fonctionnel
Il s’appuie sur des outils moins spécifiques (échelles de développement), qui peuvent tous être utilisés, mais dont certains sont plus adaptés dans le contexte des troubles du spectre de l’autisme.
La HAS a recensé les tests élaborés pour l’évaluation du fonctionnement cognitif et socio-adaptatif.